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Parcours... Monsieur P., réfugié statutaire de 59 ans

Horizon n°57 Octobre-Novembre-Décembre 2008

Il a fui le Congo-Brazzaville où on a attenté à ses jours. Il vit aujourd’hui avec son fils dans une petite résidence Adoma du nord de la France, où il se reconstruit.
Nous attendons au pied d’une petite résidence de trois étages. Dehors, le linge des résidents est suspendu sur de grands séchoirs collectifs. L’ambiance est calme et reposante dans cette petite ville paisible du nord de la France. Tiré à quatre épingles, un sourire éclatant aux lèvres, Monsieur P. nous accueille chaleureusement ; il nous explique qu’il est allé retirer à la préfecture sa carte de résident, mentionnant sa nouvelle adresse.

« Je suis gêné, je n’ai pas eu le temps de ranger. Pouvez-vous m’accorder quelques instants ? » Monsieur P. parle un français impeccable, presque écrit, il dégage une certaine solennité. Dans la pièce principale, le décor est dépouillé : une grande table, deux chaises, et dans un coin, une énorme valise encore pleine. « Nous ne sommes pas encore tout à fait installés… », nous confie-t-il.

Un nouveau départ Monsieur P. est arrivé en France en 2004 comme demandeur d’asile avec son fils, un grand garçon réservé de 17 ans. Il a fui le Congo-Brazzaville où il craignait pour ses jours. Là-bas, il avait un poste à responsabilité, il était au cœur du système politique. Monsieur P. vivait dans l’opulence : une Mercedes dernier cri, un immeuble, une maison… Mais lorsque l’ancien Président est revenu au pouvoir à la suite d’un coup d’État, on a cherché à l’évincer. Puis on l’a menacé.

Un homme armé est venu chez lui, on l’a poursuivi jusqu’en Côte d’Ivoire où il était parti, on l’a enlevé… Difficile de bien comprendre le parcours de Monsieur P. tant l’homme reste discret sur son passé. « Je préfère ne pas trop en parler… J’ai peur. Vous savez, on a essayé de me tuer ! Ici, je vis caché. »
" Le plus difficile, c’est l’attente. L’équipe du Cada a été formidable avec nous, elle nous a toujours soutenus."
C’est tout naturellement que Monsieur P. a choisi la France comme terre d’accueil. « Je suis francophone et francophile. J’ai beaucoup d’amis ici. C’est un pays qui garantit la liberté. »

Monsieur P. a été accueilli dans des Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada ) d’Adoma avec son fils. Sa demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra ) a été rejetée, et c’est la commission de recours qui lui a accordé le 2 juin 2006 son statut de réfugié.

« Le plus difficile, c’est l’attente. On ne sait pas ce qu’on va devenir. L’équipe du Cada a été formidable avec nous, elle nous a toujours énormément soutenus. C’est grâce à elle que je suis dans cette résidence aujourd’hui. Des intervenants sont même allés au collège pour aider mon fils à choisir son orientation. Sans Adoma, je ne sais pas ce que nous serions devenus », nous concède-t-il, l’émotion ayant pris le pas sur sa grande pudeur.

Monsieur P. est un battant. La nostalgie de temps plus fastes conjuguée à un optimisme sans faille le poussent à prendre un nouveau départ. À 59 ans, il suit plusieurs formations : anglais, informatique, création d’entreprise. Car Monsieur P. a un projet d’import-export de produits alimentaires bon marché destinés aux pays africains. Et puis, il a décroché en novembre dernier un CDD de 18 mois dans un cabinet de traduction. Il retranscrit les récits d’autres demandeurs d’asile. Monsieur P. mène aujourd’hui une vie tranquille.

Il espère obtenir bientôt la nationalité française pour être définitivement Monsieur Tout-le-Monde.
publié le lundi 20 Juin 2011, mis à jour le mardi 9 Juillet 2019

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